L’ histoire des CEFA :

Comme toutes les belles histoires, la nôtre commence par la formule  » il était une fois…,  » et ici, on laisse déjà tomber la belle histoire, pour poursuivre : ..au pays des jeunes chômeurs.

L’une des explication de cette réalité avancée par le monde de l’entreprise en recherche de mains d’œuvres est le peu de savoir-faire acquis par les jeunes à la sortie des établissements scolaires.

Le coupable est désigné : « l’enseignement » !

Usé par ce discours récurant sur l’absence de mains d’œuvres qualifiées et les chiffres de jeunes sans emploi, le législateur prend deux mesures qui en réjouissent certains et, comme de bien entendu, en dépitent d’autres.

Primo, il s’agit de la prolonger l’obligation scolaire de 14 à 18 ans par une Loi qui vient modifier et remplacer la Loi existante.

C’est génial d’obliger les jeunes à rester plus longtemps sur les bancs de l’école ce qui réduit  d’autant le nombre de jeunes  au chômage, mais que faire avec ces jeunes de 15, 16, 17 et 18 ans qui sont en ras-le-bol de formations scolaires ? En effet, on touche, ici, aux jeunes qui ne se sont pas ou peu intégrés à l’école et qui préféraient aller travailler.

Alors, secundo, et dans la logique initiée par cette Loi « Obligation scolaire », l’Arrêté Royal (A.R.)du 16 juillet 1984 instaure, à titre expérimental, au sein de l’enseignement national les modalités d’organisation de Centres d’Enseignement à Horaire Réduit (C.E.H.R.) pour deux années scolaires (1984-1985 et 1985-1986). Ceux-ci accueillent exclusivement des jeunes de 15 à 18 ans qui peuvent  alors y poursuivre leur scolarité à temps partiel en se préparant à l’exercice d’un métier.

« Et PAF ! », voilà c’est fait : on va les occuper, ces chérubins,  en les préparant à exercer un métier. On va donc les préparer à devenir des salariés le plus qualifiés possibles, laissant aux Classes-Moyennes le soins via leur bon vieux contrat d’apprentissage de former, eux, de futurs artisans indépendants. Il y a donc concurrence entre les deux systèmes qui s’adressent à priori à la même population tout en ayant des objectifs forts différents. Autant se rappeler que la subtilité qui différencie les deux systèmes échappe au plus grand nombre, tout le monde parle « d’apprentis ».

Au sein du seul enseignement, les choses n’apparaissent pas simples.

Par A.R. puis par décret, les CEHR doivent nécessairement être organisés au sein d’un établissement d’enseignement technique et professionnel dont les Directions craignent que cette nouvelle forme d’apprentissage, vide plus ou moins rapidement leurs sections existantes dans le plein exercice. Certains Directeurs refusent de se voir imposer cette nouvelle organisation tandis que le plus grand nombre, qui  ne peut se défiler face à cette injonction de leur Pouvoir Organisateur (P.O.). Ils installent alors leur CEHR dans des locaux éloignés des bâtiments de leur école de plein exercice.

L‘hypothèse de la fuite des élèves vers une filière qui semble de l’extérieur plus facile c’est révélée rapidement un fantasme infondé, quasi oublié aujourd’hui. Chacun a dû constater que là où l’enseignement avait une section de qualité fort fréquentée, le CEFA amenait dans sa section une population supplémentaire, aux intérêts et à la motivation différente que celle des élèves désireux de poursuivre un enseignement de plein exercice. Mais, il a fallut du temps pour rassurer les intervenants à ce sujet et donc permettre au CEFA d’organiser plus d’options et les mêmes que celles déjà existantes dans leur école siège.

Un deuxième A.R. renouvelle l’expérience « CEHR » pour une année scolaire supplémentaire : 1986-1987. Ce nouveau texte prévoit l’obligation d’organiser 15 périodes de cours pour la moitié consacré à l’apprentissage d’un métier et pour l’autre prévoir une éducation « sociale » sans plus d’obligation pour un personnel perdu en l’absence de programmes de formation ou de toutes autres contraintes définies par un texte règlementaire ou législatif. 

En sus des nombreux problèmes inhérents à l’instauration et l’organisation d’une nouvelle forme d’enseignement au sein de la rigide structure de l’enseignement d’autres polémiques s’installent. Les Collègues sont mal vu par leurs confrères travaillant dans l’enseignement de plein exercice. Leur emploi est dévalorisé puisqu’ils ne donnent pas droit à lune nomination. Leurs fonctions sont mal perçues vu que sans réels programmes de formation, ils auraient moins de travail de préparations et de corrections à réaliser ; ils seraient donc de ce point de vue dans des places de « planqués ».

 Leurs élèves sont montrés du doigt et qualifiés de fainéants, de je-m’en-foutistes, de consommateurs de substances illicites, d’assidus des cafés et bars où ils restent à ne rien faire lorsqu’ils n’ont pas cours, de délinquants responsables de tous les maux lorsqu’ils sont dans les parages…

L’encadrement de ces élèves demande de prouver d’abord la non culpabilité des jeunes du CEHR pour que d’autres acceptent d’envisager les autres élèves comme peut-être responsables. Le travail des Professeurs est perçu de l’extérieur bien plus comme un travailleur du respect de la  discipline que comme celui d’un transmetteur de avoirs.

Comme le chantait l’autre : « Je me sens mal-aimé… Je suis le mal-aimé.
Les gens me connaissent tel que je veux me montrer Mais ont-ils cherché à savoir…
 ».

La volonté d’en faire plus que de simplement s’occuper de ces jeunes, deux jours par semaine, naît dans la tête de l’équipe pédagogique des CEHR. Depuis de nombreuses années déjà des périodes dites « de stage en entreprise » sont organisées. L’idée est d’adapter ces stages aux heures et jours de la semaine qui ne sont pas occupés par les cours donnés dans les CEHR et ce, ici tout au long de  l’année scolaire. Contactée, l’Assurance scolaire accepte de suivre et étendant  la couverture dont bénéficie les jeunes scolarisé en CEHR à ces stages considérés comme faisant partie de la formation.

Rapidement les jeunes suivent, confrontés à leur envie de travailler, découvrent le plaisir d’une rémunération qui même minime leur donne une indépendance jusqu’alors inconnue et enivrante. La convention de stage est créée, elle reprend les exigences fixées jusqu’alors pour les stages des élèves du plein exercice qu’elle adapte à notre situation particulière.

Le monde de l’entreprise jusqu’alors particulièrement critique au sujet « de l’employabilité » des jeunes à la sortie des écoles va se voir impliqué dans la formation des jeunes et, force est de constater sur le terrain,  que peu de secteurs y sont prêt en Belgique. Des pays voisins comme la France, l’Allemagne, la Suisse… ont depuis de nombreuses années déjà un tissus industriel s’investissant dans la préparation des jeunes à un métier.

Le 20 novembre 1987 : Un nouvel arrêté royal prolonge l’expérience en 1987-1988 permet au CEHR devenu Centre d’Éducation et d’Insertion Socio-Professionnelle (C.E.I.S.P.) d’élargir leur public aux jeunes de 18 à 25 ans sous conditions qu’ils aient préalablement conclu un Contrat d’Apprentissage Industriel (C.A.I.) ou une autre forme de travail à temps partiel reconnu par les législations sur l’emploi de salarié dans une entreprise pour les années scolaires à  venir.

Il s’agissait de permettre aux jeunes inscrit de pouvoir finaliser une formation entamée dans ces structures, de leur permettre d’aller jusqu’à l’Attestation ou le Certificat (l’attestation sectorielle pour les contrats d’apprentissage industriel, le Certificat de qualification…).

Nous assistons ici à la première étape de l’institutionnalisation des cours complétés par un apprentissage par le travail en entreprise. L’initiative des professionnels consistant à vouloir mettre les élèves en stage est suivie par le législateur.

Les Centres peuvent naturellement ouvrir les sections existantes dans l’enseignement secondaire technique ou professionnel mais sont chargés également d’ouvrir toutes formations dont le besoin se ferait sentir sur le marché de l’emploi (si un ou des employeurs souhaitent engager des commis de cuisines de collectivités alors que cette formation n’existe pas dans la liste des options déjà organisées dans l’enseignement et qu’il ne parviennent pas, de ce fait, à trouver du personnel qualifié dans ce domaine spécifique la nouvelle structure peut organiser une pareille formation qui sera alors sanctionnée d’un Certificat de qualification spécifique.

Les moins âgés des lecteurs s’étonnerons de ce qu’il soit abordé, jusqu’ici, la notion d’Arrêté Royal ; rappelons-nous qu’à l’époque l’enseignement est encore national. Il ne sera communautarisé et ne fera donc l’objet de Décrets qu’à partir de 1988.

Le personnel des différents Centres (40 en Communauté française, ce nombre avait été fixé dès le 1er A.R.) se réunit et s’unit. Les Ministres ayant l’enseignement ou l’Emploi dans leurs compétences sont rencontrés et sollicités. La Communauté française de Belgique et les Régions sont interpelés, les travailleurs réclament un réel statut pour les Centres leur emploi et… leurs élèves. Ils demandent de pouvoir délivrer au terme de programmes de formation  les mêmes attestations et certifications que celles délivrées, jusqu’ici exclusivement, par l’enseignement de plein exercice.

Le 3 juillet 1991, la date importante, un décret organisant et structurant davantage l’enseignement à horaire réduit les rebaptise en Centre d’Éducation et de Formation en Alternance (CEFA), l’idée d’horaire réduit faisant place à celle d’alternance : désormais, en plus de la scolarité à temps partiel, un volet de formation en entreprise devient obligatoire à la qualification des jeunes suite à un amendement de 1996. Les contenus sont définis par les « profils de formation établis ».

Le décret « CEFA » reprend les concepts et s’inscrit dans l’application du décret mission, il intègre les notions des Article 45 et 49. Le premier « couvre » les profils spécifiques », ces sections qui n’existent pas dans l’enseignement et l’Article 49 défini les sections qui par l’alternance mènent aux mêmes profils de qualification que ceux atteint dans l’enseignement de plein exercice.

L’enseignement en Alternance perd sa dénomination « d’horaire réduit » et est considéré également comme un enseignement de « plein exercice » où la qualification est atteinte autrement, par l’alternance.

La nomination des membres des équipes pédagogiques des CEFA est enfin admise à égalité de  statut avec tous les autres travailleurs de l’enseignement.

Par ailleurs, une nouvelle polémique s’installe: la Communauté française a opté pour la dénomination « CEFA » sans doute pour se différencier des « CFA » français. La question qui se repose alors consiste à savoir si l’enseignement doit prendre en charge l’Éducation des jeunes ou uniquement leur formation ?

Progressivement mais sûrement les jeunes ne s’inscrivent plus dans les CEFA du seul fait de leur dégout pour l’enseignement mais bien plus par réel choix pour l’apprentissage par l’alternance.

 en matière d’emploi) crée, enfin pour les jeunes inscrits dans les CEFA, la Le19 août 1998 : un Arrêté Royal (il s’agit d’une compétence restée Fédérale : la législation Convention d’insertion socioprofessionnelle, plus souple que le Contrat d’Apprentissage Industriel, permet entre autre, aux entreprises, d’être dispensées de l’obligation d’agrément. Cette souplesse favorisera sensiblement l’embauche des jeunes en entreprise.

Le 19 juillet 2001 : Dans le cadre d’une revalorisation de l’enseignement qualifiant, la formation en alternance connait de nouvelles modifications, amorcées par le décret de 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et secondaire, et concrétisées par un nouveau décret. Celui-ci ancre désormais les CEFA dans le système scolaire. Il n’est maintenant plus question uniquement de formation en alternance, mais d’enseignement en alternance, une alternative aux filières de plein exercice. Désormais, les CEFA proposent aux jeunes des formations donnant accès à des qualifications soit spécifiques à l’alternance, soit identiques à celles de l’enseignement de plein exercice.

Depuis le 1er septembre 2015, la Fédération Wallonie-Bruxelles se dotes d’un nouveau contrat pour les jeunes : « le contrat d’alternance » appelé aussi « contrat unique ».

Effectivement, ce contrat d’alternance harmonise les statuts des différentes formes de formation en alternance existante. Il crée un cadre général et un statut unique pour les jeunes inscrits dans l’une des forme d’alternance.

Il  remplace le contrat d’apprentissage des Classes Moyennes et la convention d’insertion socio-professionnelle (CISP) des Centres d’Éducation et de Formation en Alternance. Il met fin par voie de conséquences à la concurrence entre les CEFA et les Classes Moyennes.

Ce contrat d’alternance combine une formation pratique en milieu professionnel et une formation auprès d’un opérateur de formation en alternance portant sur des matières générales et professionnelles et qui s’organise contractuellement entre l’apprenant en alternance (de 15 à 25 ans) et une entreprise, il inclus le plan de formation établi par l’opérateur de formation et reprend le parcours de formation du jeune et les compétences à acquérir, à la fois par le biais de la formation en entreprise (minimum 20H00 / semaine) et à la fois, par le biais de la formation organisée par l’opérateur de formation en alternance.

Au moment de conclure cet article, les CEFA s’avèrent avoir déjà 38 ans d’existence (en 2022) et ceux qui comme moi sont là depuis la première heure, 38 ans d’expériences variées.

Tout au long de ce parcours, les CEFA se sont lentement mais sûrement intégrés dans la structure de l’enseignement et s’avèrent de plus en plus adéquats dans la transition du milieu scolaire vers la vie professionnelle. Réponse au défi financier auquel est confronté la Fédération, face à la pénurie d’enseignant de plus en plus problématique l’Alternance semble trouver sa place au 3ème et 4ème Degrés de l’enseignement technique et professionnel qu’elle pourrait de plus en plus intégrer avant de les remplacer.

Une affaire à suivre…